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La gestion des déchets plastiques et le rôle des travailleurs informels sont au cœur des débats internationaux sur la pollution. Pourtant, ces acteurs essentiels du recyclage restent souvent invisibles, marginalisés par des politiques qui ignorent leurs contributions. Retour sur les enjeux soulevés par le récent échec des négociations pour un traité mondial sur la pollution plastique. On fait le point avec Jean Fixot de Chimirec.

Les ramasseurs de déchets : acteurs majeurs mais méconnus

Chaque année, des millions de travailleurs informels collectent, trient et revendent des déchets plastiques, textiles ou métalliques dans des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Ce travail, souvent réalisé dans des conditions précaires, réduit la quantité de plastique abandonné dans la nature, notamment dans les océans.

Toutefois, leur activité est trop souvent perçue de manière négative. Considérés comme des acteurs « inefficaces » ou non qualifiés dans de nombreux discours politiques, ces travailleurs font face à un manque de reconnaissance officielle. Ce manque de statut aggrave leur précarité et rend leurs revenus instables. Les politiques environnementales basées sur la privatisation des déchets, en pleine expansion, risquent d’ailleurs d’accroître ces inégalités.

En parallèle, ces travailleurs doivent composer avec une double contrainte : protéger leur accès aux déchets, indispensable à leur survie économique, tout en militant pour une amélioration de leurs conditions de travail.

Une économie circulaire en pleine mutation

L’idée d’une économie circulaire séduit de nombreux décideurs, notamment dans le cadre des discussions sur le traité mondial sur les plastiques. Ce concept vise à maximiser la réutilisation des matériaux, tout en réduisant les déchets. Toutefois, sa mise en œuvre repose largement sur des mécanismes de marché qui, bien qu’ambitieux sur le papier, peinent à répondre aux réalités des travailleurs informels.

Par exemple, les systèmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) encouragent les entreprises à financer la collecte des déchets ou à acheter des plastiques recyclés. Si ces mécanismes visent à améliorer la valorisation des déchets, ils favorisent souvent des entreprises ou des start-ups disposant de ressources technologiques avancées, comme la blockchain. Les travailleurs informels, quant à eux, n’ont ni l’accès ni les compétences pour s’intégrer à ces circuits modernisés. En conséquence, ils sont souvent écartés au profit d’acteurs plus institutionnels.

De surcroît, l’apparition de partenariats entre multinationales et start-ups tend à consolider ces inégalités. Les populations les plus vulnérables, notamment les femmes et les minorités, se retrouvent reléguées aux tâches manuelles les plus pénibles, même dans le cadre de ces nouveaux modèles.

La promesse d’une transition juste

Face à ces défis, des voix s’élèvent pour réclamer une reconnaissance des travailleurs informels dans les politiques internationales. Lors des discussions sur le traité mondial sur les plastiques, certains groupes ont insisté pour intégrer des mesures de « transition juste ». Ce principe vise à inclure les populations vulnérables dans la transition écologique, en leur garantissant des conditions de travail équitables et des droits sociaux renforcés.

Bien que certains progrès aient été réalisés, notamment le soutien d’acteurs comme les Nations Unies, les résultats concrets restent incertains. En effet, l’adoption d’une économie circulaire inclusive nécessite un changement de paradigme. Plutôt que de s’appuyer exclusivement sur des mécanismes de marché, il faudrait développer des politiques centrées sur la réparation des injustices sociales et la redistribution des ressources.