En 2007-2008, depuis les Etats-Unis, une étincelle allait enflammer l’économie mondiale : la crise des subprimes. Véritable débâcle financière initialement alimentée par un endettement excessif des ménages américains à faibles revenus, ladite crise s’est propagée à la vitesse de l’éclair à travers le globe, exacerbée par l’interdépendance économique et financière internationale. Des crédits hypothécaires risqués, octroyés à tour de bras, ont précipité le monde dans une crise sans précédent. Retour sur les mécanismes d’un désastre annoncé…
Les subprimes, chronique d’un risque sous-estimé
Dans le microcosme financier américain des années 2000, les subprimes apparaissent comme une innovation permettant à des ménages modestes, auparavant exclus du système de crédit classique, d’accéder à la propriété. Ces prêts immobiliers, accordés à des emprunteurs ne répondant pas aux critères habituels de solvabilité, portent le surnom de « subprime », contrairement aux emprunteurs solvables dits « prime ». La promesse de ces prêts repose sur la valeur croissante des biens immobiliers, souvent hypothéqués à leur valeur maximale anticipée.
L’appétit des investisseurs pour des rendements alléchants dans un environnement de taux bas et de liquidités pléthoriques a stimulé la demande pour ces produits financiers, bien qu’ils soient à haut risque. La titrisation, technique consistant à regrouper ces crédits pour émettre des titres financiers, a joué un rôle clé dans leur propagation. En 2007, les prêts subprimes atteignent 13 % de l’ensemble des prêts immobiliers aux Etats-Unis, soit un bond significatif par rapport aux 2,4 % enregistrés en 1998 !
Une mécanique défaillante aux conséquences mondiales
Au départ, les subprimes étaient initialement conçus pour ouvrir le marché immobilier aux ménages américains moins solvables… Seulement voilà, ils ont fini par devenir l’épicentre d’une crise financière d’une ampleur mondiale ! Au cœur de cette crise, un engrenage fatal se met en place lorsque le marché immobilier, après des années d’ascension, atteint un pic puis s’effondre dramatiquement à partir de mi-2006. Cette dégringolade, la plus brutale depuis un siècle, survient alors que les taux d’intérêt commencent à grimper, ce qui a eu pour conséquence de renverser les conditions initiales qui avaient favorisé l’expansion des subprimes.
Sans surprise, les conséquences pour les ménages américains sont désastreuses : incapables de faire face à des mensualités croissantes – aggravées par les taux variables de nombreux prêts – ils se retrouvent en défaut de paiement, ce qui entraîne des saisies immobilières en cascade, et alimente la chute des prix du logement. Par ricochet, les institutions financières se retrouvent avec des actifs fortement dépréciés entre les mains… Le climat de défiance s’installe rapidement, exacerbé par la complexité des produits de titrisation qui dissimulent l’étendue réelle de l’exposition des banques à ces prêts toxiques. Dès l’été 2007, les banques cessent de se prêter entre elles, et la crise de liquidité s’installe. Selon les estimations du Fonds Monétaire International, la crise des subrprimes a engendré des pertes bancaires s’élevant à environ 2 200 milliards de dollars !
Une étincelle dans la poudrière mondiale
Initialement confinée aux frontières américaines, la crise des subprimes a rapidement démontré sa capacité à ébranler l’économie globale, et la question se pose : comment une crise immobilière apparemment localisée aux Etats-Unis a-t-elle pu se transformer en une tempête financière mondiale ? La réponse tient dans la nature même des investissements et des interconnexions des marchés financiers mondiaux. Les subprimes, bien qu’originaires des Etats-Unis, avaient trouvé leur chemin dans les portefeuilles d’investissement des banques à travers le monde.
En août 2007, l’annonce par BNP Paribas du gel de trois fonds liés aux subprimes, représentant deux milliards d’euros, illustre parfaitement l’ampleur de l’engagement européen dans ces actifs toxiques. Bien que le montant puisse sembler relativement modeste dans l’univers démesuré de la finance, l’impact sur la confiance du marché a été disproportionné, et le manque de confiance a entraîné une restriction drastique de l’accès au crédit par les banques, soucieuses de restaurer leurs ratios de solvabilité. Comme attendu, la contraction du crédit a eu des répercussions directes sur l’économie réelle : réduction de la consommation des ménages, difficultés accrues pour les entreprises à obtenir des financements pour l’investissement, ce qui a indéniablement aggravé la récession.
Et les agences de notation dans tout ça ?
Alors, parlons des agences de notation, ces fameux arbitres de la finance… Dans un livre dédié au sujet par l’un des pontes du secteur, on découvre, contrairement aux attentes, une confession à minima, avec quelques aveux d’erreurs. Fitch, qui appartient à monsieur Ladreit de Lacharrière (investisseur avisé détenant de nombreuses sociétés dans le divertissement), a été moins critiquée que certains de ses confrères…
Mais pourquoi, globalement, tant de lenteur de la part des agences de notation pour admettre que la Grèce n’était pas du tout dans la situation de l’Allemagne financièrement parlant ? La réponse tiendrait à l’irresponsabilité des gouvernements, avec quelques exceptions ça et là. C’est notamment le cas de François Fillon, contrairement à Nicolas Sarkozy, pointé du doigt pour sa part de responsabilité dans la crise. « Sarkozy n’avait pas vu la crise, Fillon disait ‘attention’ », résume le journaliste Franz-Olivier Giesbert…
Crise des subprimes, un héritage lourd à porter
Retour en arrière, rappel des faits : quand la crise des subprimes a frappé, elle a mis à genoux l’économie mondiale. Plus de dix ans après, on en paie encore le prix ! La solution trouvée ? Un recours massif à l’endettement. Résultat, selon McKinsey, entre 2007 et 2014, la dette publique mondiale a gonflé à un rythme alarmant de 9,7 % par an, empilant quelque 25 000 milliards d’euros de dettes supplémentaires.
En Europe, le fantôme de la solvabilité semble toujours hanter certains pays de la zone euro… Malgré les actions de la BCE qui ont calmé les marchés, les taux d’endettement de poids lourds comme la France ou l’Italie reste une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Du côté des banques, si elles ont maigri depuis, c’est à la dure. Les régulateurs, traumatisés par les erreurs passées, ont serré la vis avec les nouvelles règles dites de Bâle 3, qui visent à booster les fonds propres et à limiter la taille des banques « trop grosses pour faire faillite ». Charles Wyplosz, une pointure de l’économie internationale, révélait au Figaro que l’objectif était de rendre les banques moins rentables à mesure qu’elles grossissent. La transformation de ces titans de la finance en « small and beautiful » n’est pas encore gagnée, mais le cap est clairement fixé !