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Le 2 octobre 2023, la régie Parcs d’Azur lançait un projet d’apparence anodine, mais qui allait déclencher une vraie bataille juridique. Son ambition ? Commander une statue de Jeanne d’Arc pour embellir un parc de stationnement. Un projet artistique, donc, mais pas seulement : le préfet des Alpes-Maritimes a flairé un terrain fertile pour une contestation juridique. Le point sur le sujet avec Kevin Gomez !

Un marché sous le feu des critiques

Le 17 novembre 2023, le préfet a demandé à examiner les documents relatifs à ce marché public. Sa conclusion ? La régie aurait accumulé les mauvais gestes : absence de comité artistique, recours injustifié à une procédure sans publicité ni mise en concurrence, et négociation financière qualifiée de… fictive. Mais le clou du spectacle, selon lui, restait l’absence d’allotissement des prestations, une obligation bien ancrée dans le Code de la commande publique. Convaincu d’avoir trouvé là une accumulation d’infractions, le préfet a dégainé l’artillerie lourde en déposant une requête en référé auprès du tribunal administratif de Nice. Objectif : suspendre ce marché pour, selon lui, préserver la légalité.

L’art de contourner les règles… dans la légalité

Face à ces accusations, la régie Parcs d’Azur n’a pas cédé à la panique, notamment en mettant en avant son principal argument, à savoir la particularité de la commande. Une statue de Jeanne d’Arc, ce n’est pas juste une œuvre en marbre ou en bronze. C’est une pièce unique, nécessitant un savoir-faire technique et artistique que peu d’ateliers peuvent offrir. Pour le tribunal, cet argument a pesé lourd. En s’appuyant sur l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique, le juge a rappelé que la loi permet de contourner certaines règles classiques pour des créations artistiques spécifiques. Pas besoin de publicité ni de mise en concurrence dans ce cas, à condition de prouver que l’œuvre ne peut être réalisée que par un prestataire bien précis. L’atelier Missor, attributaire du marché, correspondait parfaitement à ce profil.

Négociations fictives ? Pas si vite

Le préfet avait également pointé du doigt une supposée négociation financière fictive entre la régie et l’atelier. Mais pour le tribunal, cette accusation manquait de consistance. En clair, aucune preuve tangible ne venait étayer cette allégation. Une véritable passe manquée pour l’autorité préfectorale, qui espérait marquer un point décisif.

L’allotissement, un faux débat

L’autre pièce maîtresse de l’argumentaire préfectoral portait sur l’absence d’allotissement. Normalement, le Code de la commande publique impose de diviser un marché en lots pour favoriser la concurrence. Mais ici, le juge a estimé que statue et socle formaient un tout indissociable. Pas question, donc, de fractionner les prestations. Un peu comme si on demandait à un chef étoilé de séparer les ingrédients de son plat avant de cuisiner : ça n’a aucun sens.

Quand la loi s’accorde avec la création

Cette affaire rappelle une vérité souvent oubliée : le droit, même rigoureux, peut faire preuve de souplesse. La commande publique n’est pas un carcan immuable, surtout lorsqu’il s’agit d’œuvres d’art. Et à Nice, la justice a montré qu’elle savait s’adapter à des projets hors normes. Pour le préfet, cette décision est un rappel à l’ordre : tout recours doit être solidement argumenté. Pour Parcs d’Azur, c’est une victoire qui valide leur approche et renforce leur crédibilité. Quant à la statue de Jeanne d’Arc, elle pourra trôner fièrement dans ce parc, témoin d’une bataille judiciaire où l’art a su triompher en fin de compte !