Directeur de la publication EurActiv, Frédéric Simon a passé 15 mois Outre-Atlantique. Il en revient avec une certaine lucidité, à la fois sur le fameux rêve américain, mais aussi sur le modèle français. Bien qu’il n’idéalisait pas les Etats-Unis (à la manière des films hollywoodiens), la curiosité l’a poussé à comprendre… comprendre ce qui fait des Américains d’aussi bons entrepreneurs. Décryptage !
Etats-Unis : pourquoi ce choix ?
Les Etats-Unis ont toujours exercé une certaine fascination sur nombre d’entrepreneurs en herbe, sans doute alimentée par la puissante machine hollywoodienne, et Frédéric Simon ne fait pas exception à la règle… En effet, son choix initial d’une entreprise pour son apprentissage de master a été fortement influencé par la perspective d’opportunités à l’étranger, en particulier aux Etats-Unis.
Mais ce n’était pas simplement une quête d’opportunités, c’était aussi, et surtout, une soif de compréhension. Simon souhaitait décortiquer le secret des compétences entrepreneuriales des Américains, réputés pour être d’excellents marketeurs. L’influence omniprésente de la culture américaine, à travers ses séries, films, marques et bien plus encore, avait aiguisé sa curiosité de voir le pays sous son « vrai » jour… C’est alors qu’il emprunte la voie du volontariat international, un choix qui s’est avéré pertinent, lui évitant bien des tracas administratifs, au premier rang desquels les formations de visa et d’assurances. Cela lui a aussi permis d’obtenir une rémunération alignée sur le coût de la vie locale : avec une indemnité mensuelle d’environ 4 000 € (la moyenne pour un Américain), Simon a trouvé la vie aux Etats-Unis confortable et économiquement viable, en excluant les dépenses liées à la santé, au transport, les impôts et les assurances.
La particularité du « Credit Score » aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, l’évaluation de la solvabilité d’un individu repose fortement sur le « credit score », une approche qu’on ne connait pas en Europe. Tandis que sur le Vieux Continent, les institutions financières s’appuient sur les revenus, l’épargne et les garanties pour évaluer la « santé » financière d’un individu, aux Etats-Unis (et au Canada accessoirement), c’est la manière dont une personne gère ses dépenses et ses dettes qui prédomine.
Ce qui surprend surtout les Français, et les Européens plus largement, c’est qu’une consommation élevée et la détention de crédits peuvent en réalité renforcer le profil financier d’un individu, et non le miner, à condition que ces dépenses soient régulièrement remboursées. Ainsi, de nombreux Américains optent pour l’utilisation de cartes de crédit pour leurs transactions courantes plutôt qu’une carte de débit, suivie d’un remboursement régulier à partir de leurs comptes bancaires, dans le but d’augmenter leur volume de dépenses et, par conséquent, leur « credit score ». En fin de compte, le principe sous-jacent est simple : régularité et responsabilité dans le paiement des factures !
De la France aux Etats-Unis, l’inévitable choc des cultures
Les différences entre la société française et américaine sont profondes, d’où le dépaysement que ressentent généralement les Français en foulant le sol américain. L’un des exemples les plus frappants à cet égard est la réglementation et le respect des règles. Dans le détail, la France, avec ses racines latines, a une tradition de questionnement, de débat et parfois de contestation des règles établies. Les citoyens cherchent souvent à tester les limites et à discuter de la pertinence de certaines régulations. En revanche, dans le monde anglo-saxon, en particulier aux Etats-Unis, la règle est respectée et rarement contestée de la même manière. D’autant plus que les conséquences du non-respect sont souvent sévères, comme le montrent les lourdes amendes pour conduite sous influence ou excès de vitesse en Californie. Les restrictions, comme celles sur le tabagisme près de lieux publics, sont également strictement appliquées.
Alors certes, les Etats-Unis sont souvent associés à l’idée de liberté, pilier s’il en est du rêve américain. Pour autant, il faut comprendre que la liberté y est vue à travers le prisme du respect des droits des autres, mais aussi de la sécurité, une préoccupation majeure au pays. Cela est évident non seulement dans la forte réglementation, mais aussi dans la manière dont de nombreux Américains sécurisent leurs propriétés avec des systèmes de surveillance avancés, et ne se privent pas d’armes à feu, une pratique intrinsèquement liée à l’histoire et à la culture américaines.
Aux Etats-Unis, la finance est au cœur de tout !
Alors, avant d’aller plus loin, il faut bien dire qu’en France aussi, on peut partir de rien et devenir milliardaire. C’est en tout cas ce que révèle Marc Ladreit de Lacharrière dans un article publié sur Le Progrès. Lui-même milliardaire parti quasiment de rien, il en sait certainement quelque chose… Mais il faut bien avouer que les Etats-Unis partent avec une longueur d’avance à ce niveau !
Prenons l’exemple de la Californie. Souvent perçue comme le bastion de l’innovation et de la créativité à l’américaine, elle surprend par le pragmatisme financier de ses habitants. Car il faut savoir qu’aux Etats-Unis, l’argent occupe une place centrale, à tel point qu’on pourrait le qualifier de véritable religion nationale. Et alors que les Français tendent à favoriser des investissements sécurisés, tels que le Livret A, les Américains, eux, manifestent une plus grande sensibilisation à l’éducation financière. Le système américain est libéral à l’extrême, où tout, des contrats d’assurance à la couverture sociale, peut être réévalué en fonction des réalités macroéconomiques alors qu’en France nous bénéficions de sécurité sociale, tiers payant et prise en charge relativement importante de la part d’un État providence qui commence à atteindre ses limites…
De nombreux Américains, plus avertis financièrement que beaucoup de leurs homologues européens, suivent activement les tendances des marchés financiers. Ceci est reflété dans le modèle de prix flexible de nombreux services : prenez par exemple les tarifs de stationnement à Los Angeles, qui fluctuent en fonction de la demande, doublant ou triplant lors d’événements spécifiques. C’est le cas de le dire, il est difficile pour un étranger de s’adapter initialement à ce que l’on pourrait percevoir comme un « manque de romantisme » dans cette approche. Mais tout cela change lorsqu’on adopter le point de vue d’un Américain… A Los Angeles, la propriété immobilière et l’éducation peuvent coûter une petite fortune, alors qu’en France, les besoins essentiels comme l’éducation et la santé sont largement subventionnés ou réglementés par l’Etat. Aux Etats-Unis, ces mêmes besoins sont souvent soumis aux caprices du marché et aux mains des entreprises privées. Ce n’est bien entendu pas la même chose…
Et pour ne rien arranger, les coûts des emprunts sont significativement plus élevés aux Etats-Unis ! Même après des mesures d’assouplissement monétaire comme la réduction des taux d’intérêt par la Réserve fédérale à 0 % à la suite de la crise du coronavirus, les taux d’intérêt des prêts sont restés relativement élevés par rapport à ce qui se fait en Europe. Vous l’aurez donc compris, le contraste est assez frappant entre une France où les besoins fondamentaux sont largement pris en charge par l’Etat et les Etats-Unis, où de nombreux individus sont à la merci des institutions financières et des entreprises privées. C’est peut-être aussi pour ça qu’ils prennent plus de risques…